Wednesday, November 24, 2010

Est-ce que le Brésil peut se glisser rapidement dans la peau d'un leader mondial?

Pour continuer sur ma lancée, et ajouter de l'eau à mon moulin - démontrer l'importance de l'éducation. Un article très intéressant sur le Brésil et son système éducatif - une calamitée....

A méditer...

L’école grand corps malade

Aujourd’hui, seuls 25% des Brésiliens sont véritablement alphabétisés. La priorité du futur président doit être l’éducation, plaide l’économiste Gustavo loschpe.

 

 Le site Internet du programme : Todos pela Educação [Tous pour l’éducation]
 Le site Internet du programme : Todos pela Educação [Tous pour l’éducation]
Une léthargie trompeuse règne sur le Brésil, donnant l’impression que toutes les questions structurelles ont été résolues ou, à tout le moins, sont sur le point de l’être… Mais l’idée qu’il suffit désormais de gérer est illusoire. La majorité des Brésiliens n’en a pas encore conscience, mais nous sommes en guerre. Et c’est une guerre totale, au moins sur un front : celui de l’éducation ou, plutôt, de ses lacunes abyssales. Même si, un jour, nous avons la maîtrise de l’inflation et un budget en excédent, même si nous parvenons à résoudre les déficiences de nos infrastructures et à rationaliser la fiscalité, même si nous mettons un terme à la corruption, aux problèmes de santé publique et à la violence urbaine, même si nous réussissons tout cela, nous ne deviendrons pas un pays développé tant que nous continuerons à former si peu de jeunes et à des niveaux de qualification si bas.

Pour résumer, il n’y a que deux manières d’assurer la croissance d’une économie : soit en augmentant les facteurs de production (capital et travail), soit en augmentant la productivité. Or, à long terme, seule la seconde option est durable. Et il n’y a qu’une seule façon d’obtenir une hausse durable de la productivité : l’éducation.

Dans ce domaine crucial, nous échouons lamentablement. Les chiffres sont déplorables à tous les niveaux. En troisième cycle universitaire, qui est le niveau où sont menées les recherches permettant de déboucher sur la production de biens à forte valeur ajoutée, le Brésil ne compte que 58 000 étudiants en doctorat, dont 31 000 concentrés dans deux Etats, ceux de São Paulo et de Rio de Janeiro. Dans ses derniers recensements, l’Unesco dénombre dans notre pays 213 000 chercheurs. Ils sont 1,5 million en Chine, 935 000 au Japon [et environ 200 000 en France]. Pour couronner le tout, bien que le volume global de travaux de recherche augmente, il s’agit, dans la grande majorité des cas, de travaux de recherche fondamentale à l’intérêt limité, voire nul en termes d’applications pratiques. Dans les premier et deuxième cycles universitaires, le taux d’inscrits au Brésil avoisine les 20 % d’une classe d’âge, quand des pays sous-développés comme le Pérou, le Chili et le Venezuela affichent le double. Dans les pays développés, ce taux tourne autour de 60 % et flirte même avec 100 % en Corée du Sud et en Finlande.

Si l’université brésilienne est si famélique, c’est notamment parce que nous formons extrêmement peu d’élèves dans les lycées. C’est un enseignement archaïque, académique, qui étouffe l’élève dans un programme extrêmement lourd et ne lui apprend pas grand-chose, dans le cadre d’un modèle unique, sans lui donner le choix d’une voie technique ou professionnalisante. Aujourd’hui, l’enseignement secondaire dans les pays développés ne prépare pas qu’à l’entrée à l’université, il prépare à la vie. Au Brésil, il ne fait ni l’un ni l’autre, ou le fait mal. Au test PISA [réalisé par l’OCDE], qui évalue l’acquisition des savoirs des élèves de 15 ans dans 57 pays, le Brésil se classe 54e en mathématiques, 52e en sciences et 49e en langue.

Le tableau du secondaire est déplorable car l’enseignement y est rigide et archaïque, mais aussi parce que peu d’élèves vont jusqu’au bout du collège. La médiocrité de l’enseignement est telle que beaucoup d’entre eux redoublent plusieurs fois et finissent par se lasser. Au collège, les élèves devraient avoir entre 11 et 14 ans, mais, en fait, un sur quatre est âgé de 15 ans ou plus – soit pas moins de 3,6 millions d’individus !

Le problème ne surgit pas dans les dernières années de scolarisation, il est présent dès le début. Le Brésil rêve d’être la nouvelle Rome tropicale, mais ce chiffre va lui remettre les pieds sur terre : les évaluations montrent que seuls 25 % des Brésiliens sont totalement alphabétisés – trois de nos compatriotes sur quatre ne peuvent pas comprendre un article de ce magazine ! Ne croyez pas qu’il s’agisse d’un vestige du passé, dû aux personnes âgées n’ayant pas été scolarisées. Non. C’est de nos jours que la majorité des écoles brésiliennes échoue dans sa tâche d’alphabétisation des élèves dès les deux premières années de scolarité. Selon les données du SAEB (Système d’évaluation de l’enseignement primaire et secondaire) pour l’année dernière, près de sept élèves sur dix n’atteignent pas le niveau de connaissances en portugais considéré comme idéal par le programme Todos pela Educação [Tous pour l’éducation]. Effrayant, non ? Et ce n’est pas fini : la même étude révèle que 25 % des élèves de 4e série [équivalent du CM1] sont pour l’essentiel analphabètes, après quatre ans d’école !

Cet échec dans l’alphabétisation des enfants, en 2010, n’est pas seulement un obstacle au développement. C’est un fléau pour notre société, une honte nationale. Les “technologies” de l’alphabétisation de masse à l’intention des enfants sont aujourd’hui maîtrisées par certains pays en développement. Elles le sont depuis un siècle déjà en Argentine et en Uruguay – et même depuis deux siècles dans nombre de pays développés. C’est une situation incompréhensible et totalement inacceptable. Le plus incompréhensible est qu’il existe déjà au Brésil des dizaines d’établissements et d’enseignants, y compris dans des régions très défavorisées, qui parviennent à alphabétiser 100 % de leurs élèves en 1re série [équivalent du CP]. Il y a aussi des ONG qui se sont saisies du problème, avec des taux de réussite élevés. Nous avons donc des solutions parfaitement utilisables et à bas coût.

L’une des tragédies du sous-développement, y compris dans un pays démocratique, est que les exigences du peuple excèdent toujours les capacités de l’Etat. Dès lors, les dirigeants politiques sont fortement tentés d’abdiquer une de leurs fonctions essentielles : celle de définir des priorités. L’accumulation de problèmes dans notre système éducatif est une incitation au populisme : un dirigeant qui ne s’attaquerait pas simultanément à tous les problèmes éducatifs court le risque d’être accusé d’être sans cœur ou élitiste. Aussi, le Brésil a pris l’habitude de faire un peu de tout, mais rien d’essentiel.

Tôt ou tard, la croissance brésilienne butera sur le manque d’individus qualifiés. Et, quand nous nous en rendrons compte, il sera trop tard : nous aurons perdu une génération de plus

Education - la pierre de voute pour une amélioration du niveau de vie des personnes vivant dans les pays en développement


En Amérique latine, les inégalités reculent
On parle beaucoup de la date buttoir de 2015 et des MDGs. Un article très intéressant montrant l'importance de l'éducation et d'une vraie politique de lutte contre les inégalités - les choses prennent du temps mais les résultats sont là.

Le renforcement de l’enseignement primaire et les aides directes de l’Etat semblent avoir porté leurs fruits.
L’Amérique latine dément une à une les prophéties qui la vouaient au malheur. A la consolidation de la démocratie et à la croissance économique de ces dernières années vient aujourd’hui s’ajouter un fait nouveau et porteur d’espoir : les inégalités sociales, l’une des plaies du continent, ont reculé de 1,1 % par an entre 2000 et 2007.

Le chiffre est donné par une étude con­duite sous l’égide du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), qui constate que, pour la première fois dans l’histoire de cette institution, le fossé entre riches et pauvres s’est réduit de façon significative dans 12 des 17 pays étudiés.

“C’est la seule région du monde où l’on constate ce phénomène”, souligne l’économiste argentine Nora Lustig, qui a coordonné les travaux avec le Mexicain Luis Felipe López-Calva. Dans d’autres pays émer­gents, comme la Chine, l’Inde ou l’Afrique du Sud, les inégalités se creusent. “En Amérique la­tine, en revanche, le recul s’est généralisé, indépendamment d’autres variables sociodémographiques ou politiques.”

Dans les années 1990, l’Amérique latine était plus inégalitaire que l’Asie et l’Afrique subsaharienne. Les politiques de libéralisation économique mises en œuvre après la crise de la dette de 1982 (le fameux con­sensus de Washington défini par le FMI et la Banque mondiale) se sont traduites par une meilleure stabilité macroéconomique et une plus forte croissance, mais elles ont aussi creusé la fracture sociale, les mesures d’ajustement touchant plus durement les plus défavorisés. La tendance, heureusement, s’est inversée depuis l’an 2000.

Pour expliquer le phénomène, les experts ont étudié en profondeur les cas de l’Argentine, du Brésil, du Mexique et du Pérou. Et ils ont dégagé deux facteurs essentiels. D’une part, l’essor de l’enseignement primaire au cours des vingt dernières années, qui a permis l’amélioration de la qualification de la main-d’œuvre et, de ce fait, une diminution des différences de salaires. D’autre part, la mise en place de “transferts publics”, autrement dit d’aides (en argent ou en nature) versées aux familles les plus pauvres sous condition de scolarisation des enfants. “Les études font état d’une amélioration de la santé et de la scolarisation infantile, et pour un faible coût : ces programmes ne nécessitent qu’environ 0,5 % du PIB”, affirme Nora Lustig.

Naturellement, l’élan donné à l’éducation et aux politiques de redistribution est directement lié à la consolidation de la démocratie et à des pouvoirs qui ont fait de la lutte contre la pauvreté une priorité.

Ainsi, la combinaison entre croissance, stabilité financière, responsabilité budgétaire et politiques sociales a permis à 37 millions de Latino-Américains de sortir de la misère, avec une diminution de la pauvreté de 12 % depuis 2002.

“L’Amérique latine devient un continent de classes moyennes”, assure José Juan Ruiz, directeur de stratégie pour la région à la banque Santander. “Le crédit à la consommation, auparavant inexistant, touche aujourd’hui 5 à 10 % de la population. Un tiers de la population active dispose d’un compte en banque. Il y a dix ans encore, cette ­proportion n’atteignait pas 10 %.” Le potentiel est énorme. Les marchés internes se développent, le système financier est relativement sain, l’inflation est maîtrisée (4 % en moyenne) et les indicateurs macroéconomiques sont meilleurs qu’aux Etats-Unis ou en Espagne, énumère José Juan Ruiz.

Malgré la crise actuelle, la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes des Nations unies (CEPAL) vient de relever sa prévision de croissance pour cette année de 4,1 à 4,5 %.

Il ne faut toutefois pas crier victoire, prévient l’économiste es­pagnol Leandro Prados de la Escosura. Si l’amélioration des indicateurs de développement humain té­moigne de la consolidation d’une tendance, on ne peut écarter l’hypothèse, selon lui, qu’il ne s’agisse que d’“un simple changement de cycle”. Les inégalités restent fortes et il existe d’importantes disparités d’un pays à l’autre.

Récusant tout triomphalisme, l’économiste Nora Lustig admet que le processus en cours doit être con­solidé.

La mauvaise qualité de l’enseignement entrave encore l’accès des populations pauvres à l’éducation supérieure. Et il importe d’augmenter des re­cettes fiscales qui ne représentent en moyenne que 18 % du PIB (contre 35 % dans les pays de l’OCDE).

José Juan Ruiz insiste aussi sur la nécessité de renforcer les institutions et la sécurité juridique. “L’Amérique latine, explique-t-il, manque encore d’une nouvelle histoire”, une histoire qui ne soit plus celle du défaitisme. Mais le temps est révolu où, comme le disait le président brésilien Lula da Silva, “l’échec avait plus de prestige intellectuel que la réussite”.


 

Simplement Donner Directement l'Argent aux Pauvres!

Deux tres bons articles pour repenser l'aide aux plus pauvres. Une solution parmis tant d'autres, mais qui ebranle notre vision de l'aide internationale... A lire, a commenter...


Les miracles du revenu minimum garanti
Dans le cadre d’un projet pilote, les habitants d’un village déshérité ont reçu chaque mois l’équivalent de 10 euros. Deux ans plus tard, le bilan est vraiment positif, se félicite Herbert Jauch, le responsable du programme.
Herbert Jauch
Ce chercheur spécialiste des syndicats a dirigé jusqu’en janvier 2010 l’Institut namibien des ressources et de recherche sur le travail (LARRI). Il est membre de la Basic Income Grant Coalition (BIG) de Namibie. Cette alliance, qui regroupe Eglises, syndicats, associations de jeunes et de femmes, a lancé le revenu minimum garanti en 2008. Grâce àce projet financé par des dons, les 1 000 habitants d’Otjivero âgés de moins de 60 ans ont reçu 100 dollars namibiens (10 euros) par mois pendant deux ans.
On débat dans de nombreux pays de l’instauration d’un revenu minimum garanti (RMG) qui ne soit assorti d’aucune condition contraignante. Pourquoi la Namibie a-t-elle pris les devants avec ce projet pilote ?
HERBERT JAUCH La Commission d’orientation nationale a, dès 2002, recommandé le versement d’un revenu minimum à tous les citoyens pour mieux s’attaquer aux inégalités sociales. La Namibie est, selon les Nations unies, le pays qui présente les plus grands écarts de revenus au monde. Comme le gouvernement n’a pu se décider à instaurer un RMG, les Eglises et les syndicats ont lancé un projet pilote.

Pourquoi avoir choisi le petit ­village d’Otjivero ?
Nous voulions un endroit dans lequel il ne se passerait rien pendant au moins deux ans : pas de programme de création d’emplois, pas de projet d’aide au développement, pas de rentrées financières. Il ne devait y avoir que le revenu minimum, soit 100 dollars namibiens (environ 10 euros) par personne et par mois. Otjivero avait l’air d’être dans une situation tellement désespérée que nous avons pensé au début que le RMG ne servirait pas à grand-chose, hormis une légère réduction de la pauvreté.

Recevoir de l’argent sans condition, sans travailler, est-ce que cela peut faire bouger les choses ?
Ce sont des préjugés auxquels nous nous heurtons en permanence. Si les gens d’Otjivero ne travaillent pas, ce n’est pas parce qu’ils sont paresseux mais tout simplement parce qu’il n’y a pas de travail. Le fait est qu’ils n’ont pas dépensé cet argent pour s’acheter de l’alcool et qu’ils ne l’ont pas dilapidé pour rien.

Qu’en ont-ils fait ?
Nous avons pu observer une chose surprenante. Une femme s’est mise à confectionner des petits pains ; une autre achète désormais du tissu et coud des vêtements ; un homme fabrique des briques. On a vu tout d’un coup toute une série d’activités économiques apparaître dans ce petit village. Cela montre clairement que le revenu minimum ne rend pas paresseux mais ouvre des perspectives.

Vous auriez pu parvenir au même résultat avec des microcrédits ciblés.
Contrairement aux microcrédits et à beaucoup de programmes d’aide au développement classiques, le revenu minimum a un impact non seulement sur la production, mais aussi sur la demande. En Afrique, le pouvoir d’achat se concentre en général dans quelques centres, ce qui force les gens à quitter les campagnes pour les villes, où les bidonvilles finissent par s’étendre. Le RMG permet à des régions rurales de se développer, il crée des marchés locaux et permet aux gens d’être autosuffisants.

Quels effets avez-vous pu constater à Otjivero ?
Le nombre de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté est passé de 76 à 37 %. Avant l’expérience, près de la moitié des enfants étaient sous-alimentés, aujourd’hui ils sont moins de 10 % ; 90 % finissent leur scolarité, avant, ils n’étaient que 60 %. Et la criminalité a baissé.

Pourquoi demandez-vous la création d’un RMG pour tous les Namibiens et pas seulement pour les pauvres ?
Cela demanderait beaucoup trop de travail et coûterait beaucoup trop cher de vérifier les besoins de chacun. De plus, il ne faut pas pénaliser les gens qui ont trouvé un travail ou qui se sont construit une existence. Celui qui gagne bien sa vie et qui est riche reverse le RMG à l’Etat par ses impôts.

La Namibie pourrait-elle se permettre de verser un revenu minimum à tous ses habitants ?
La Commission d’orientation l’a calculé depuis longtemps. Le RMG coûterait 5 à 6 % du budget national. Pour le financer, il faudrait relever légèrement le taux maximum d’imposition, qui est de 34 % actuellement, et la taxe sur le chiffre d’affaires. Le gouvernement pourrait également introduire des prélèvements sur les exportations de matières premières et lutter contre l’évasion fiscale.

Mais le versement du RMG serait très lourd à gérer.
Bien au contraire ! Les coûts de gestion représentent environ 10 %. A Otjivero, nous avons utilisé des cartes à puce personnelles pour l’identification des intéressés et ça s’est très bien passé. Et la poste namibienne affirme qu’il serait rentable pour elle d’ouvrir un bureau dans chaque ville en cas d’instauration du RMG. Même avec deux retraits d’argent sans frais par mois, ça vaudrait encore le coup.

Qu’est-ce qui empêche la Namibie d’introduire le RMG ?
Le gouvernement n’est pas encore tout à fait convaincu. Notre ministre de l’Economie a compris que le revenu minimum constituait un instrument simple et bon marché pour changer les choses. Il y a cependant des résistances du côté du ministère des Finances et de notre Premier ministre, qui émet encore des réserves.

L’expérience menée à Otjivero n’a-t-elle donc pas convaincu ?
La pression exercée par le Fonds monétaire international (FMI) n’est pas sans effet en Namibie. Le FMI a présenté des chiffres erronés sur le coût du RMG. Il prend par exemple en compte les plus de 60 ans, alors qu’ils ne sont pas concernés par le RMG. Il craint que la Namibie démontre que le RMG fonctionne. Ce système deviendrait alors très intéressant pour des pays comme le Brésil et l’Inde.

Comment réagissez-vous à cela ?
Nous faisons le tour du pays avec des gens d’Otjivero pour qu’ils racontent leur histoire. Et nous sommes soutenus partout ! Nous espérons pouvoir arriver à nos fins dans le courant de l’année prochaine. L’important, c’est que la pression de la base soit forte. Quand les électeurs l’exigeront, la SWAPO, le parti au pouvoir, ne pourra plus dire que ça ne l’intéresse pas.


Mieux que l’aide au développement, l’aide aux pauvres
Accorder un soutien direct aux plus démunis – comme on le fait dans les pays riches – est également très efficace dans les pays du Sud.
Just Give Money to the Poor, le livre de Joseph Hanlon, Armando Barrientos et David Hulme
Qui doit s’occuper des pauvres ? L’Etat et le contribuable, ont estimé les législateurs anglais sous le règne d’Elisabeth Ire. Aussi ont-ils introduit en 1572, “l’impôt en faveur des pauvres” afin de distribuer aux paysans de l’argent et du “pain paroissial”. Le premier système d’aide sociale au monde fit plus que nourrir les plus démunis ; il favorisa aussi la croissance.

Au début du XIXe siècle, l’Etat britannique a fait marche arrière. Il a réduit de moitié les dépenses pu­bliques en faveur des nécessiteux, les ramenant à 1 % du revenu national, et a parqué les indigents dans des asiles paroissiaux. Oliver Twist, le jeune héros du roman éponyme publié en 1839 par Charles Dickens, est devenu le symbole de l’indifférence et de l’exploitation qui ré­gnaient à l’époque.

De nos jours, allocations familiales, aides au chauffage ou au logement et minimum vieillesse sont monnaie courante au Royaume-Uni et dans d’autres pays industrialisés. Mais ce n’est que récemment que le droit à un niveau de vie “adéquat” a été étendu aux pauvres des pays en développement.

Dans
Just Give Money to the Poor [Il suffit de donner de l’argent aux pauvres, éd. Kumarian Press, avril 2010], trois universitaires britanniques expliquent comment les pays en développement parviennent à réduire la pauvreté en versant de l’argent aux déshérités. Selon Joseph Hanlon, maître de conférences en développement à l’Open University, à Milton Keynes, Armando Barrientos et David Hulme, deux spécialistes des problèmes de pauvreté et de développement à l’université de Manchester, au moins 45 pays accordent des prestations sociales à 110 millions de familles modestes au total. Ces aides ne sont souvent assorties d’aucune condition.

Il s’agit là d’un défi lancé à une industrie de l’aide internationale “dont la prospérité, affirment les auteurs, repose sur la complexité et la mystification, avec des consultants grassement payés qui mettent au point des projets toujours plus compliqués pour ‘les pauvres’”.

Depuis plus d’un demi-siècle, l’aide au développement repose sur la conviction que ce sont les agences internationales, et non les citoyens des pays concernés, qui sont le mieux armées pour éradiquer la pauvreté. D’aucuns reconnaissent qu’il y a eu des échecs, mais ils les mettent sur le compte d’un mauvais usage des fonds par les pays bénéficiaires. C’est pourquoi, à leurs yeux, il faut prescrire aux pays en développement une bonne dose de discipline, en soumettant l’octroi de l’aide à de strictes conditions de “bonne gouvernance”.

Les trois universitaires britanniques appuient leurs conclusions sur de nombreuses études consacrées aux programmes de transferts monétaires, dont beaucoup ont été montés par des organismes a priori sceptiques, comme le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale.

Malgré des décennies de politiques néolibérales décidées “en haut”, qui étaient censées, telle la marée montante, “soulever tous les bateaux”, près de la moitié de la population de la planète vit, selon la Banque mondiale, au-dessous du seuil de pauvreté, soit avec moins de 2 dollars par jour.

Le Brésil est le fer de lance de ce mouvement

Les transferts monétaires, explique Just Give Money…, peuvent résoudre trois problèmes : ils permettent aux familles de mieux se nourrir, d’envoyer leurs enfants à l’école et d’investir un peu dans leur ferme ou leur petit commerce. Ces programmes sont d’autant plus efficaces qu’ils sont accessibles au plus grand nombre de personnes à faibles revenus, et non exclusivement aux plus misérables. “L’important est de faire confiance aux pauvres et de leur donner directement de l’argent – et non pas de leur proposer des bons, des projets ou une prestation temporaire –, de l’argent qu’ils peuvent investir et dépenser, et qu’ils sont certains d’avoir entre les mains.”

Le Brésil, fer de lance de ce mouvement qui ne cesse de gagner du terrain, a mis en place des minima sociaux en faveur de 74 millions de pauvres, soit 39 % de la population. Il en coûte à l’Etat brésilien l’équivalent de 24,6 milliards d’euros, soit 1,5 % du produit intérieur brut. Les plus démunis reçoivent 24,50 euros par mois. Résultat, le taux de pauvreté est passé de 28 % en l’an 2000 à 17 % en 2008. Dans le Nordeste, la région la plus déshéritée du pays, la malnutrition infantile a diminué de près de moitié, tandis que la scolarisation des enfants a augmenté.

L’Afrique du Sud, l’un des pays aux dépenses sociales les plus élevées au monde, consacre 7 milliards d’euros, soit 3,5 % du PIB, aux allocations vieillesse, dont bénéficient 85 % des personnes âgées. A cela s’ajoutent 21 euros par mois pour plus de la moitié des enfants. D’après certaines études, les jeunes Sud-Africains nés après l’instauration de ces allocations sont en moyenne plus grands que leurs aînés. “Et ce n’est pas parce qu’un travailleur humanitaire est venu dans le village pour apprendre aux paysans comment s’alimenter et leur conseiller de se rendre au dispensaire quand ils sont malades, notent les auteurs. Les villageois savaient déjà tout ça, mais ils n’avaient simplement pas assez d’argent pour acheter la nourriture adéquate ou payer le médecin.”

Les transferts monétaires ne sont pas la panacée

Au Mexique, 22 % de la population touche une aide directe de 30 euros par mois en moyenne. La facture totale est de 3 milliards d’euros, soit 0,3 % du PIB. Une partie de l’argent va aux enfants scolarisés : plus ils restent longtemps dans le système scolaire, plus l’allocation est importante. Les études montrent que les familles concernées consomment davantage de fruits, de légumes et de viande, et sont moins souvent frappées par la maladie. Dans les campagnes, le nombre des lycéens a doublé, et parmi eux on compte da­vantage de filles. L’Inde, quant à elle, garantit cent jours de salaire aux ménages des zones rurales pour du travail non qualifié, payé au moins 1 euro la journée. S’il n’y a pas de travail, ils touchent quand même le minimum garanti. Ce système permet aux petits paysans de survivre durant la morte-saison.

Loin d’être improductifs, soutient l’ouvrage, les fonds dépensés pour les pauvres stimulent l’économie, “parce qu’au niveau local les agents économiques vendent plus, gagnent plus et achètent plus, ce qui crée une spirale ascendante”. Pour autant, les transferts monétaires ne sont pas la panacée.
Just Give Money note que 70 % des 12 millions de Sud-Africains bénéficiaires d’aides sociales vivent toujours au-dessous du seuil de pauvreté. Au Brésil, les allocations n’ont pas entraîné d’augmentation des vaccinations et des soins prénataux, parce que les catégories défavorisées n’ont pas accès à la médecine. Et, au Mexique, la pénurie d’emplois pousse des millions de personnes à émigrer aux Etats-Unis. Pour vraiment sortir la population de la misère, les Etats doivent également s’attaquer aux discriminations et investir dans la santé, l’éducation et les infrastructures.

Dans les pays riches, l’idée selon laquelle les pauvres sont responsables de leur condition reste profondément ancrée. Des études réalisées entre 1995 et 2000 dans le cadre du
World Values Survey [un projet de coopération universitaire visant à comparer les données sociales d’un grand nombre de pays] indiquent que 61 % des Américains pensaient que les pauvres étaient paresseux et manquaient de volonté. Seuls 13 % des individus interrogés rejetaient la faute sur une société injuste.

Mais que diraient-ils aujourd’hui, après l’effondrement du marché immobilier et le renflouement des banques ? L’extension des programmes de bons alimentaires et des allocations chômage, tout cela constitue des transferts monétaires en faveur des populations appauvries. Comme l’explique
Just Give Money, l’argent permet aux gens de “trouver l’issue de secours”, quel que soit l’endroit où ils vivent.


Monday, September 13, 2010

Pouquoi ce Blog?

Depuis plus de 3 ans maintenant, j'anime à Toronto (Canada) un groupe de discussion en Français sur différentes problématiques, toutes liées au développent international. Au départ, ce n'était qu'une façon de m'échapper de mon monde professionnel - la recherche clinique en nutrition et de discuter les différents articles que je lisais chaque semaine et que je trouvais intéressants. Maintenant, c'est une partie intégrante de ma nouvelle vie. Je suis retournée à l'école pour étudier le développement international et je travaille depuis peu pour une ONG Canadienne.




Apres 3 ans, je pense qu'il est temps de faire évoluer notre groupe de discussion. Il est temps de créer plus d'interaction et de dialogue entre les membres du groupe et d’ouvrir la discussion à d’autres francophones.



Chacun à notre tour, nous aurons la responsabilité de choisir un (ou plusieurs articles), de les poster sur le site, et d'animer notre groupe de discussion lors de notre rencontre mensuelle. Comme les articles seront disponibles sur le site, chacun aura - membres du groupe de Toronto ou non - l'opportunité de poster ses commentaires, d'échanger ses idées et ses points de vu avec de nouvelles personnes. Deux façons complémentaires de pratiquer et de discuter en français !



A très bientôt



Le groupe espérance